Billets qui ont 'The Social Network' comme oeuvre.

Des films

. Bruegel, le moulin et la croix. Une Passion, non en Israël occupé par les Romains, mais en Hollande occupée par les Espagnols. Une grande réussite "plastique" (quel mot utiliser? Je ne sais pas.) Une grande réussite pour un film qui n'est pas un film.
Rutger Hauer. Ah, Rutger Hauer… Tears in the rain for ever.

. Le Havre. Un film pour les amateurs de Kaurismaski, ceux qui le connaissent déjà bien. Les autres seront désarçonnés. C'est un conte de Noël, dépouillé, stylisé, une épure. Le temps fond, le commissaire demande une bouteille de vin de 2005, mais le dernier taxi… une Peugeot des années 1950? Daroussin se promène dans le film à la manière du héros des Gommes, et les montants de la rampe d'escalier de l'hôpital sont peints en rouge. (Je veux bien être damnée si aucun hôpital de France porte si loin le souci du détail.)
Compositions et couleurs d'Edward Hopper, dialogues de Carné, lumière et personnages de Kaurismaki.

. A Dangerous Method. Qu'est-ce qui est dangereux? La psychanalyse, ou le fait de coucher avec une patiente? Ce film m'a déçue de la même façon que m'ont déçue le Nietzsche de Cavani ou le Cavafy et le Wiggenstein de je ne sais plus qui. J'en attends trop, sans doute, et je sors en ayant terriblement peur de prendre pour vrai un détail fictionnel.
Keira Knightley est formidable; et ne serait-ce que pour le plan nous montrant Jung invité chez Freud se servant du gigot de façon indécente tout en dissertant sur le sexe (avant déplacement de la caméra), il vaut la peine d'être vu.

Les films qui m'ont marquée en 2011: Incendies, de très loin, Il était une fois en Anatolie, Essential Killing et de la tendresse pour Shame.
Une mention spéciale, à part, pour ''The Social Network''.


PS: et pour mettre un peu de gaieté dans ces films sombres, Faites le mur, grand éclat de rire.

Les bulles cérébrales

Plus tard il m'est revenu que le président d'Havard dans The social Network était Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor, l'homme qui a bloqué le projet de régulation des produits dérivés.
Que répondait-il aux jumeaux? «J'ai été secrétaire au Trésor et vous pensez que je ne sais pas reconnaître le bien (le Bien)?» ou «J'ai été secrétaire au Trésor et vous pensez que je ne sais pas reconnaître une idée qui va loin?» ou «J'ai été secrétaire au Trésor et vous pensez que je ne sais pas reconnaître une idée qui peut rapporter des millions?»
Je ne sais plus; dans tous les cas, c'est savoureux.

J'ai tapé ["larry summers" "produits dérivés"] dans google. De proche en proche, je suis arrivée à un article de Naomi Klein qui m'a fait rire et dont nous savons instinctivement qu'il dit juste, pour connaître le phénomène en réduction autour de nous.

Extrait:

And this brings us to a central and often overlooked cause of the global financial crisis: Brain Bubbles. This is the process wherein the intelligence of an inarguably intelligent person is inflated and valued beyond all reason, creating a dangerous accumulation of unhedged risk. Larry Summers is the biggest Brain Bubble we've got.

Brain Bubbles start with an innocuous "whiz kid" moniker in undergrad, which later escalates to "wunderkind." Next comes the requisite foray as an economic adviser to a small crisis-wracked country, where the kid is declared a "savior." By 30, our Bubble Boy is tenured and officially a "genius." By 40, he's a "guru," by 50 an "oracle." After a few drinks: "messiah."

Naomi Klein dans le Washington Post du 19 avril 2009


Traduction à la volée (vous pouvez proposer des améliorations):

Et ceci nous amène à une cause centrale mais souvent ignorée des crises financières systémiques: les bulles cérébrales. C’est le processus par lequel l’intelligence d’une personne sans conteste intelligente est enflée et valorisée au-delà de toute raison, créant une accumulation dangereuse de risque sans couverture. Larry Summers est la plus grosse bulle cérébrale que nous ayons.

Les bulles cérébrales commencent au lycée par l'inoffensif sobriquet de "grosse tête", qui enfle jusqu'à devenir "un prodige". Puis intervient le passage obligé en tant que conseiller économique d'un petit pays bouleversé par une crise, à la suite de quoi le "prodige" est déclaré "sauveur". A la trentaine, notre homme qui mousse est titularisé et officiellement nommé "génie". A quarante ans c’est un "gourou", et à cinquante, un "oracle". Et après quelques verres : un "messie".

Kaboom

Plaisir pur du début: il y a longtemps que je n'avais pas vu autant d'acteurs aussi jeunes, aussi beaux, avec des dialogues aussi impertinents et décalés, tourner dans des couleurs aussi vives. Energie pure du début.
Et puis ça dégénère en complot et en paranormal, on ne peut pas dire que cela aille franchement quelque part, cela ressemble à ces mangas sans queue ni tête où tout explose à la fin. Qu'importe.

Kaboom et The Social Network. Si les films nous donnent un reflet de l'époque où ils sont tournés, nous avons là deux types de sociétés possibles, deux choix possibles: la société traditionnelle incarnée par The Social Network, où l'argent et le pouvoir permettent d'attirer les filles, et Kaboom fonctionnant selon les règles de Tricks, libre circulation du désir avec une prime aux gentils et aux pestes (qui sont des méchantes ayant choisi d'être gentilles). Dans cette seconde société, les grands cons faisant la collection de tongs colorées n'ont pas beaucoup de chances.
Réjouissant.

The Social Network

L'intérêt d'être à La Défense et de ne pas être trop occupée, c'est de pouvoir aller au cinéma. Et non pas de critique, plus jamais, que des associations d'idées.

The Social Network. Grosse bouffée de nostalgie. Et encore, 2003, c'est déjà très tard dans l'histoire de l'informatique. Hier, je trainais à relire une fois encore les histoire de Dave Small. Ce qui me manque, ce sont les conversations auxquelles je ne comprenais rien mais qui vibraient de passion, les projets terminés à l'arrache à quatre heures du matin, les matins blêmes, le café noir, tout ce qu'on ne voit qu'à peine dans le film, mais que je déduis de quelques secondes du film (marrant, pas de cigarette: ça fume, ça fumait, un informaticien).
Les gens vont retenir les filles faciles, le soleil et la Californie. De ce point de vue, le film est glaçant: filles prêtes à tout pour approcher le pouvoir et l'argent, mecs prêts à tout pour avoir les filles et donc... Au moins c'est simplement expliqué, pas difficile à comprendre.

Mais le plaisir (ou la douleur) de pisser de la ligne, l'importance de l'idée, l'importance de croiser les bonnes personnes... Un succès technologique est rarement né d'une seule personne (est-ce Gilles de Gennes qui le rappelait dans son cours inaugural au Collège de France?), même si l'on ne retient qu'un nom.


Pour ceux que ça intéresserait, les frères Winklevoss rament en pair-oar, le prince des bateaux: deux rameurs en pointe (une seule rame par rameur) sans barreur.
La course à Oxford est bien sûr en huit, le bateau le plus rapide (l'aviron n'est pas très rapide, il y a beaucoup trop de frottements).


En Bosnie ils n'ont pas de route mais ils ont Facebook. Ça m'a rappelé un reportage radio sur la guerre en Tchétchénie: des réfugiés dans un wagon regardaient Santa Barbara...


Contrairement à ce que je lis ça et là, je n'ai pas trouvé que l'image de Zuckerberg soit spécialement négative. Elle est crédible, c'est tout. Les programmeurs ne sont jamais loin de l'autisme du joueur d'échecs. (J'ai pensé au Jeu de la dame.) Il me semblait même possible que Zuckerman ait donné son accord pour le scénario, mais visiblement non. Cependant les scènes-clé sont dites véridiques, ce qui est fort possible dans la mesure où il y a eu procès et témoignages (mais sont-ce des archives accessibles?).

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